mercredi 2 juillet 2014

PRESSE

La Montagne et Le Populaire du Centre du samedi 3 janvier 2015

LIMOUSIN > CREUSE > LA SOUTERRAINE 03/01/15 - 06H00

Selon Hervé Laboulle, professeur de SVT à Raymond-Lœwy, le fumier serait impliqué

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Xavier Devaud, François Migaire et Hervé Laboulle devant le plan d’eau du Cheix. - Meusy Patrick
Xavier Devaud, François Migaire et Hervé Laboulle devant le plan d’eau du Cheix. - Meusy Patrick
Le phosphore est souvent mis en cause dans le développement des cyanobactéries. Pourtant, Hervé Laboulle, professeur de SVT à Raymond-Lœwy, aurait trouvé une autre explication qui reste à démontrer.

La présence des cyanobactéries qui envahissent les plans d'eau de la région depuis ces dernières années préoccupe les collectivités territoriales, qui y voient un impact désastreux sur leur exploitation touristique. Les nombreuses études confiées à des cabinets spécialisés privés ou publics pointent le phosphore du doigt, et les remèdes proposés sont, pour beaucoup, des chantiers au long cours et onéreux.
Et si ce n'était pas le phosphore ? Professeur de SVT au collège Raymond-L'wy, Hervé Laboulle est aussi un spécialiste dans le domaine de l'eau, docteur en Écologie terrestre et limnique, option hydrobiologie. En bon scientifique, il s'intéresse au sujet en cultivant le doute.
En présence
de phosphore,
il n'y a pas d'organismes vivants dans les fonds

Depuis plus de deux ans, il a entrepris une recherche minutieuse sur plusieurs sites creusois et notamment à l'étang du Cheix à La Souterraine en se référant à un plan d'eau « blanc », celui de la Jonchère en Haute-Vienne, qui remplit les critères de transparence et de pureté. Il s'appuie sur un postulat de base : en présence d'une grande quantité de phosphore (*), il n'y a pas d'organismes vivants dans les fonds. C'est ce postulat qui l'a fait douter sur le diagnostic posé à l'étang du Cheix par l'équipe scientifique intervenue fin 2012 et début 2013. À l'issue des prélèvements aux différents points du plan d'eau, les quantités de phosphore sont telles qu'il ne fait aucun doute pour ces experts universitaires qu'il est la cause des cyanobactéries.
Des moules d'eau douce
et des vers dans la vase

Or, à l'occasion de ses recherches lors de la vidange de l'étang, Hervé Laboulle trouve des moules d'eau douce et des vers dans la vase, ce qui démontre la présence d'organismes vivants dans les fonds. Ce constat vient conforter l'hypothèse qui nait au fil de ses observations sur les plans d'eau et les ruisseaux du bassin-versant : ce ne peut pas être le phosphore.
Lorsqu'il compare les prélèvements effectués sur plusieurs sites envahis de cyanobactéries avec l'eau claire de La Jonchère, il note que tous, à l'exception du ruisseau de la Rongère à La Celle-Dunoise, présentent une coloration marron.
Autre postulat : les algues eucaryotes ont un optimum de développement à 20° C, alors que les cyanobactéries ont cet optimum à 25° C. Il explique ces fortes températures relevées en surface (jusqu'à 30° C) par la turbidité de l'eau : l'eau est tellement trouble qu'elle confine la lumière en surface et à l'analyse, cette eau révèle la présence de colloïdes.
Il s'interroge : d'où peuvent venir ces macromolécules organiques ou minérales en suspension ? Il décide alors d'explorer les rives, les ruisseaux, les prés, les forêts en amont des étangs, de tous ces étangs et découvre un point commun, à l'exception de l'étang de la Jonchère et de la Celle-Dunoise : la proximité d'un stockage de fumiers.
Sa découverte l'angoisse tellement en raison du contexte politique et agricole, qu'il va reprendre ses analyses, refaire le tour détaillé des sites et finalement revenir… au Cheix.
La piste du fumier
Comme partout, il trouve les points d'impacts générant cette pollution : il s'agit de fumiers d'une des exploitations en amont, le GAEC du Chaudron. Il décide alors de prendre contact avec les deux exploitants, Xavier Devaud et François Migaire pour leur présenter son étude et ses hypothèses : « j'ai été étonné de trouver une telle écoute et une telle attention, ils étaient même intéressés de pouvoir vérifier mon hypothèse et au printemps dernier, ils ont accepté de déplacer le tas de fumier. »
Pour Hervé Laboulle, il faut bien attendre une année, le temps que les derniers résidus aient été lessivés par les pluies pour évaluer la pertinence de la démarche.
Si l'hypothèse est démontrée, quelle solution ? Tous les exploitants agricoles n'ont pas la possibilité ni les moyens d'apporter la meilleure réponse : une plateforme imperméable et une couverture pour éviter le ruissellement lorsqu'il pleut.
Hervé Laboulle a présenté ses recherches aux élus de La Souterraine – le maire a d'ailleurs adressé un courrier de remerciement aux exploitants agricoles qui ont coopéré – mais après ? Dans le cadre des directives environnementales européennes, n'y aurait-il pas des budgets pour participer au financement de la construction de « fumières » ? La pose de panneaux solaires sur les toitures de ces bâtiments ne pourrait-elle pas générer des revenus pour compléter l'investissement ? Autant d'idées que suggère Hervé Laboulle mais qui laissent dubitatifs les deux agriculteurs. La nouvelle Politique Agricole Commune n'offre aucune perspective en faveur du milieu de l'élevage, parent pauvre de la profession.
Dans tous les cas, l'expérience menée à La Souterraine pourrait être déterminante pour les autres sites d'ici et d'ailleurs infestés par les cyanobactéries.
(*) « La théorie actuellement admise, explique Hervé Laboulle, présuppose qu'il est nécessaire que les fonds soient dépourvus d'oxygène pour que les sédiments relarguent du phosphore nécessaire au développement des cyanobactéries ».

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