Chaque été, le même constat est fait dans les plans d’eau
creusois : baignade interdite pour cause de cyanobactéries, ou algues
bleues… La communauté scientifique met en cause le phosphore, et
pourtant, malgré les recommandations d’un rapport de la fin des années
1990, le problème persiste…
« Depuis dix ans le problème et les moyens de lutte ont été identifiés et on en est au même point »
Hervé Laboulle
Hervé Laboulle, professeur de SVT (sciences et vie
de la terre) au collège de La Souterraine et titulaire d’un DEA en
hydrobiologie, a travaillé sur le problème des cyanobactéries à
Courtille à cette période. « À l’époque, un rapport d’un bureau d’études
demandé par la mairie pointait que l’efflorescence des cyanobactéries
était due au phosphore, et proposait des actions pour lutter », se
souvient le professeur, qui ne pense plus au sujet pendant plusieurs
années, le croyant résolu.
Et puis en 2009, alors qu’il souhaite emmener sa
fille se baigner, il tombe sur un panneau d’interdiction de baignade au
Bourg-d’Hem à cause de ces fameuses algues bleues. « Je me suis dit
c’est bizarre, depuis dix ans le problème et les moyens de lutte ont été
identifiés et on en est au même point », explique Hervé Laboulle.
La coloration très foncée de l’eau
En cherchant sur internet, il a constaté que
l’hypothèse du phosphore était toujours d’actualité mais que le bilan
n’était pas très positif : « si ça ne fonctionne pas, c’est que ce n’est
peut-être pas le phosphore », a-t-il alors pensé.
Le maire du Bourg-d’Hem, Jean-Louis Batier, a accepté que Hervé Laboulle fasse une étude sur le lac en 2010.
« Je suis reparti de zéro pour essayer de trouver
le facteur responsable », explique le biologiste. Il remarque rapidement
la coloration très foncée de l’eau, au Bourg-d’Hem mais aussi sur
d’autres plans d’eaux affectés.
Augmentation des températures
Comparant à des plans d’eau à la transparence
« normale », il a remarqué que la température de l’eau était plus élevée
dans les plans d’eau où l’eau est colorée étant donné que la lumière
n’y pénètre pas aussi profondément. « Pour les algues “classiques”, la
température optimale est de 20 °C, et ils ne vont pas au-delà d’une
certaine concentration car il y a un équilibre avec les zooplanctons »,
expose le spécialiste.
Or, dans les plans d’eau colorée, la même quantité
de lumière serait absorbée en moins d’un mètre, faisant augmenter la
température : « On a relevé des températures de l’eau jusqu’à 30 °C à
l’étang du Cheix à la Souterraine », remarque le professeur qui s’est
penché sur l’étude de ce plan d’eau en particulier. Or, cette
augmentation des températures est idéale pour la prolifération des
cyanobactéries, et défavorise les autres algues, d’où selon le
professeur les taux de concentrations énormes.
Le dépôt de fumier sur sol en cause
Il a profité de la vidange de l’étang du Cheix
pour constater ces traces de coloration. La cause, il l’a cherchée
longtemps, et une théorie lui est venue en 2014… « J’ai fait le lien
avec des tas de fumiers entreposés sur sol et qui avec les
précipitations font du purin qui colore l’eau, même avec un fort taux de
dilution », raconte le professeur. Il a fait ses estimations par
rapport au bassin-versant, des tests et des comparatifs entre lacs
infestés ou non, et selon lui tout concorde : c’est le dépôt de fumier
directement sur sol et sans couverture qui serait en cause…
Un test à l’étang de Cheix
Il a fait le test à l’étang du Cheix, les
agriculteurs ont accepté de déposer leur fumier ailleurs que sur le
bassin-versant. « Au niveau de la réhabilitation du Cheix, on est en
train de diminuer la coloration, et cet été la baignade n’était pas
autorisée par décision de la municipalité mais pourtant les taux de
cyanobactéries étaient faibles, on aurait pu s’y baigner. ».
Virginie Lorthioir
Plus d’informations. Sur le blog d’Hervé Laboulle :
hydrasaclab.blogspot.fr